Je fais souvent ce rêve d’un livre qui réunirait tous ceux que j’ai aimés, toutes les phrases qui m’ont charmée ou révoltée, tous les poèmes qui m’habitent et me hantent. C’est bien le mélange des genres, c’est bien le chant en canon mais là, franchement, tu imagines le gloubi-boulga que ça donnerait. En fait, ce que je vois, ce n’est pas un gros livre, c’est un livre fait de fragments. J’ai écrit que je ne voulais pas écrire de confessions, d’autobiographie ; plus j’y réfléchis, plus j’avance dans ce défi, plus je me rends compte que ce n’est pas « ce que je ne veux pas » mais ce qui me fait sans doute le plus peur dans ce que je ne peux pas écrire. Surtout, je me demande comment le faire tout en prenant en compte ce que je ne veux, surtout, vraiment, pas faire c’est-à-dire « blesser quelqu’un que j’aime ».
Hier, j’ai lu Polaroids du frère de Grégoire Delacourt. Sur la forme, c’est ça, exactement ça mon désir de livre(s). Accrocher des fragments sur un fil conducteur, tisser une étoffe, coudre un patchwork qui transformerait ce qui paraît décousu en une pièce solide et délicatement agencée. J’ai aimé les passages de l’obscur au clair, de l’ombre à la lumière, des larmes au rire… d’un polaroid à l’autre, la diffraction des couleurs et des tons, le kaléidoscope des émotions et des interrogations. Sur le fond, ce livre m’a parfois touchée, bousculée, bouleversée mais il m’a aussi irritée et agacée car entre les lignes, il m’a semblé déceler trop de justifications, trop d’excuses, de reproches faits aux autres, de « si j’ai fait ça, si j’ai fait comme ça, c’est parce que…, à cause de... ». Ça, je ne veux ni l’écrire ni le laisser à lire entres les lignes, je veux un livre sans concession et sans faux-semblant.
De ces fragments que je pourrais entrelacer, j’en ai déjà écrits sur mon blog, ils y ont pris différentes formes : poèmes, aphorismes, textes (auto)biographiques ou fictionnés… Avec du travail sur la cohérence de forme et de thématique, ils pourraient servir de base à plusieurs livres. Des livres qui aborderaient, de manière personnelle, les sujets essentiels, les interrogations profondes et les difficultés à percevoir un chemin de vie. Oh ! j’ai dit précédemment que je ne veux pas continuer à écrire des textes « presque exclusivement tournés vers le passé », « dans lesquels il y a toujours quelque chose de ma vie, de mon parcours », « qui (s’)interrogent (sur) le sens de la vie ». Ces refus font certainement aussi partie de ce qui me fait peur. Alors, il faut que je me fasse confiance pour, en partant de cette matière, aller vers des fragments moins épars, aux tonalités plus variées, moins tristes, moins noires…
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Texte écrit avec Les Mots dans le cadre du défi de l’été 2025 : « du petit plongeon au grand bain ». « Semaine 2 : On mouille le cou, pour fouiller ses obsessions d'écriture et trouver son sujet ».
Jour 11 : J’ai pour habitude de dire que l’on écrit le livre que l’on voudrait trouver en librairie ou en bibliothèque et qui n’existe pas. Imaginez le livre que vous rêvez de lire, de trouver en librairie, à quoi il ressemble, de quoi il parle, quelle est sa forme. Si vous deviez raconter ce livre à un ami, que diriez-vous ? Et bien, écrivez-le et de manière très concrète, de quel sujet ça parlerait, qui seraient les personnages, les sujets, la forme du texte, le style d’écriture.
Un texte à la croisée des chemins, un texte qui tout en essayant de répondre à la consigne de ce jour, se glisse dans le sillage des autres consignes du début de semaine. Il me permet d’avancer et je pense que c’était une de mes motivations principales, sinon ma motivation principale, quand je me suis inscrite à ce défi, dans ce défi. J’empiète aussi, un peu, beaucoup sur la consigne de demain. Je pourrais, en effet, reprendre dans le dialogue, la conversation, un certain nombre de points et de questions abordés ici, et défendre ma démarche et mon point de vue face à quelqu’un qui me pousserait dans mes retranchements.
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