Au programme du Marché de la Poésie, ce
samedi 10 juin, à 11h30, un atelier public d’écriture éphémère avec les
Turbulents.
Je me rends à cet atelier sans trop savoir
en quoi il consistera. Il est animé par Joël Kerouanton ; autour des
tables, les écrivains turbulents, leurs accompagnateurs et quelques invitées
qui se joignent à eux. Je suis de celles et ceux qui croient au hasard objectif
comme d’autres croient en leur bonne étoile, la proposition de Joël est
d’écrire à partir Des étoiles et des chiens : 76 inconsolés, ce
sont soixante-seize exercices d’admiration de Thomas Vinau, dont j’ai lu
plusieurs ouvrages et dont je visite régulièrement le
blog.
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Ma moisson au Marché de la Poésie... fidélité |
Quand les textes nous sont distribués, je
me sens presque en terrain connu et c’est avec plaisir que je découvre le mien.
Victor Hugo, ça ne peut pas mieux tomber, pas plus mal non plus, c’est
peut-être lui que j’aurais pu choisir pour l’exercice d’admiration, qui
sait ?
Le livre tourne autour de la table, je
regarde le sommaire, s’y croisent pour moi des inconnus, j’en découvre certains
lorsque les participants à l’atelier lisent le texte dont il leur a été fait
cadeau, et des inconsolés qui ont été pour moi aussi des rencontres
consolantes : Louis Amstrong, Henri Callet, Charlotte Delbo, Emily
Dickinson, Eugène Guillevic, Jacques Higelin, Frida Kahlo, Carson McCulers,
Colette Magny, Lucy Parsons, Jules Vallès,...
Nous sommes ensuite invités à écrire des
portraits de personnes ou personnages qui nous console et nous accompagne sur
le chemin de la vie. Pour moi, ce sera Élisée Reclus et Gaston Bachelard...
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Deux étoiles, pour moi inséparables, d’une
galaxie poétique et politique, des phares à l’horizon et des balises sur le
chemin de la réflexion et de l’action. En moi, ils se font écho, se sont-ils
jamais rencontrés, l’un connaissait-il l’œuvre de l’autre ? Les dates ne
plaident pas en ma faveur mais peu importe, côte à côte, ils nourrissent et
entretiennent mes engagements. Les titres de leurs livres, au tout début, n’ont
peut-être pas été étrangers aux rapprochements que j’ai pu faire consciemment
ou inconsciemment.
Tous deux mêlent, dans leur vie et leurs
écrits, méditation poétique et morale, poésie et philosophie, rêve et savoir,
contemplation de la nature et liberté, introspection et ouverture aux autres et
sur le monde. Dans les tumultes de l’existence, ils chassent la mélancolie,
éloignent de moi le vide de la pensée et m’apportent la force dans les combats
quotidiens.
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Élisée Reclus (1830-1905)
« Une harmonie secrète s’établit
entre la terre et les peuples qu’elle nourrit, et quand les sociétés
imprudentes se permettent de porter la main sur la beauté de leur domaine,
elles finissent toujours par s’en repentir. » (Du sentiment de la nature
dans les sociétés modernes, Revue des deux mondes, n° 63, 1866)
Géographe, anarchiste, communard, je ne
sais dans quel ordre, il est l’auteur d’une somme en dix-neuf tomes, La
Nouvelle géographie universelle ; pour moi, il est celui de deux
petits livres, quand je dis petits c’est une question de volume pas
d’importance, ces deux livres me sont essentiels et nécessaires : Histoire
d’une montagne et Histoire d’un ruisseau. Ils m’accompagnent et me
consolent en ces temps où notre Mère la Terre et la Nature connaissent de
grands périls, les femmes et les hommes qui l’habitent traversent de grandes
interrogations sur leur devenir. Science et réflexion sur la condition humaine
s’unissent dans un lyrisme sensible. Mon inclination va plus particulièrement
vers le second, peut-être parce qu’il me rappelle Perlette goutte d'eau, lu
enfant dans la très belle collection des Albums du Père Castor.
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Gaston Bachelard (1884-1962)
« Les grandes passions se préparent
en de grandes rêveries. » (La Poétique de la rêverie, 1960)
Lui, je l’ai rencontré beaucoup plus tôt,
au lycée, comme le facteur Cheval, il avait été postier, j’imaginais que leurs
voix à tous les deux avaient quelque chose de rocailleux, qu’elles étaient
comme l’expression des forces de la nature, de l’art et de la poésie qui les
habitaient. Avec lui, j’ai su très rapidement qu’être philosophe, ça ne relevait
pas de la connaissance, des cours de philosophie mais de ce que tu ressentais
et de ce que tu accomplissais dans ta vie de tous les jours, de l’adéquation
entre ce que tu penses et ce que tu fais. Il a éclairé mon quotidien par la
magie du verbe et de la poésie, entre perception et imagination, entre présence
et distance au monde, sur fond de rêves animés par les quatre éléments et d’une
« poétique de l’espace », celui de la maison, reflet de la
structuration de notre psychisme et de notre vie. Au-delà du dedans, dans les
mythologies et la littérature qu’il évoque et invoque, le dehors, le microcosme
et le macrocosme m’englobant « poussière d’étoile » dans le Grand
Tout de la Nature et du Cosmos.
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J’ai commencé à écrire ce texte pendant
l’atelier, écrivains turbulents et invitées ont partagé puis lu les textes sur
la scène… l’écriture de chacun est singulière et les inconsolés consolateurs
pluriels. Je l’ai poursuivi dans les jours qui ont suivi et le voici donc
aujourd’hui sur mon blog, je le dédie aux écrivains turbulents.
Plus tard dans l’après-midi, le hasard
objectif frappe de nouveau. Je me promène dans les allées, feuilletant là un
livre, dialoguant ailleurs avec les éditeurs et les auteurs, et dépensant des
sous. Je regarde les livres de Corinne Hoex, auteure dont je lis depuis
longtemps les romans et la poésie, sur le stand de la librairie
Wallonie-Bruxelles, je n’en trouve que deux, je suis déçue... Un jeune homme
installe deux tables pour des dédicaces, une grande et belle femme à la longue
chevelure de neige s’assied près de livres déposés en piles, c’est elle…
surprise et gratitude pour le bel échange.
Beaucoup d’autres rencontres sur les
stands ou dans les allées. Mercredi soir, Giovanni Merloni et Claudia Patuzzi
avec qui j’avais rendez-vous après le travail, nous ne nous étions pas vus
depuis si longtemps. Installés autour de deux verres de vin et d’un chocolat,
un moment agréable de retrouvailles entre amis. Ensuite, sous un déluge qui
nous a contraint à reprendre le chemin vers le métro, nous traversons
rapidement le Marché et croisons Lucien Suel venu du Nord pour une table ronde
et une dédicace. Celles aussi qui furent manquées, faute de temps, d’oser ou de
(re)connaître des personnes que je lis ou suis sur les réseaux sociaux.
Et puis, une belle moisson de recueils,
entre fidélités et découvertes, et des heures de lecture et de plaisir à venir.
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Ma moisson au Marché de la Poésie... découvertes |
me donnez presque regret d'y aller (presque parce que ma fichue timidité) - belles rencontres et beaux textes
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