Ce matin, métro, ligne 4… d’abord observer, regarder, écouter mais très vite s’enfermer dans une bulle d’écriture pour commencer à écrire ce texte. Des bulles nous en avons plusieurs en fonction du contexte et au fil du temps. Certaines nous protègent, d’autres nous anéantissent. Les bulles sont de musique, de lecture, d’écriture, de pensée, de relaxation… Dans les transports franciliens, veiller à ce que la bulle ne soit pas trop étanche, plusieurs fois il m’est arrivée de me tromper d’embranchement de RER, plusieurs fois j’ai raté la station où je devais descendre.
Hier, j’ai repris le métro 4, la partie sud de la ligne qui a été fermée neuf jours, ce n’est pas beaucoup pour des travaux d’été mais, pendant trois jours, seulement et heureusement, j’ai dû aller travailler en bus. J’entends déjà vos protestations, c’est bien le bus, il y a la lumière naturelle, le ciel, le paysage, les monuments de Paris, les belles façades, oui c’est bien le bus mais je mettais trois fois plus de temps pour atteindre mon but et ça m’a replongée dans l’angoisse qui naissait dans les années qui ont précédé mon déménagement. Je prenais alors la ligne 8 pour me rendre au travail.
Le trajet était long et je n’avais pas envie de lire car ni l’assise ni l’éclairage n’étaient agréables et souvent je faisais le trajet debout. Pendant toutes ces années, j’ai mis des écouteurs dans mes oreilles, j’ai écouté de la musique, des chansons plutôt, pour m’isoler de cet univers que je ressentais comme hostile. D’ailleurs, sur cette ligne, presque personne ne lisait, ce n’est pas tout à fait vrai, j’ai souvent vu des hommes et des femmes qui le matin lisaient la Bible ou le Coran. D’autres restaient le regard dans le vague, ensommeillés ou se projetant déjà dans la longue journée qui ne faisait que commencer. La plupart des voyageurs étaient attachés à leur téléphone soit par les oreilles soit par le regard.
Aînée d’une sororie, là le féminin remporte sur le masculin puisque nous sommes quatre filles et un garçon, j’ai très vite appris à me créer une bulle de lecture. Maman me disait souvent : « Toi, quand tu lis, le monde autour de toi pourrait s’écrouler. » Avant l’avènement des écrans qu’on emmène partout, avant l’avènement des réseaux sociaux, je lisais tout ce qui me tombait sur la main, les notices en attendant chez le médecin, les horaires de train dans les gares, les magazines féminins chez le coiffeur,… Aujourd’hui, simplement regarder par la fenêtre du métro et voir défiler toutes les publicités, de plus en plus déroulantes sur des panneaux lumineux, ne me fait plus rêver, d’ailleurs elles ne sont pas là pour ça.
Depuis un peu plus d’un an, je voyage sur la ligne 4, c’est beaucoup plus agréable que sur la 8. J’ai mis quelques mois à lire de nouveau dans les transports mais surtout j’ai retrouvé le plaisir de découvrir ce que lisent les autres. Un livre que j’ai lu et je me sens comme une complicité avec le lecteur qui est souvent une lectrice. Pendant l’année universitaire, des étudiants lisent des essais philosophiques, historiques, sociologiques… Souvent, ce sont des romans que leur lecteur dévore avec tant de gourmandise que ça aiguillonne ma curiosité. Parfois, je peux lire quelques lignes sur la page ouverte ce qui suscite mon d’envie d’en savoir plus. Alors, je me tords le cou pour tenter d’apercevoir le titre, c’est souvent difficile, quelquefois j’ose demander. Le plus énervant, ce sont les liseurs sur liseuse, il m’arrive d’en être une, sourire, on ne peut ni lire par-dessus leur épaule ni deviner le genre de la lecture grâce à la couverture et encore moins connaître le titre sans déranger.
Sortir de sa bulle pour regarder autour de soi, pour écouter ce qui se passe et pour ne pas rater la station Saint-Germain-des-prés, la troisième consécutive à porter un nom de saint. Quand je suis sortie de cette bulle d’écriture matinale, je me suis aperçue que c’était aussi une bulle sensorielle, surtout olfactive puisque je me suis instantanément sentie agressée par les odeurs corporelles et les effluves de parfums de mes voisins et voisines que je n’avais pas perçus avant.
Immersion totale. S’intéresser aux autres est devenu si rare.
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