Il l’embrassait et lui disait qu’il l’aimait. Néanmoins, il venait encore une fois de poser la question « Un nuage de lait ? » C’était une fois de trop.
- Non, juste du thé avec un zeste de citron. Il le savait bien pourtant. Quelle idée d’accepter de venir passer quinze jours avec lui. D’ailleurs, il doit se demander lui aussi s’il a eu raison de faire une telle proposition. J’ai vite une réponse à ma question sans avoir besoin de l’énoncer.
- Ah ! On m’avait dit qu’avec toi tout deviendrait vite compliqué mais je ne m’attendais pas à ça. À peine une journée que tu es arrivée et après « c’est loin de la gare chez toi », « je déteste les brocolis », il y a eu « le matelas est trop mou » puis « il me faudrait un oreiller supplémentaire », ensuite « il fait trop chaud dans la chambre ». Quinze jours, je ne vais pas tenir alors toute une vie, tu imagine…
Voilà c’était dit, nous étions face à la réalité, la vie commune n’était pas envisageable, y avait-il même de l’amour malgré les « je t’aime » qu’il répétait à tout bout de champ.
- Ah ! Le masque tombe, on m’avait bien dit que ça ne marcherai jamais nous deux, que tu n’étais pas fait pour vivre avec quelqu’un.
- Pas fait pour vivre avec quelqu’un, je me demande bien lequel d’entre nous n’est pas fait pour vivre à deux.
Un nuage laiteux passa devant la fenêtre et assombrit la petite cuisine où Michel et Isabelle étaient assis. Ils s’étaient rencontrés six mois auparavant sous le ciel sans nuage du Sud de la France. Depuis, ils s’étaient revu un week-end par-ci par-là sans qu’ils doutent de leur avenir ensemble. À peine deux jours sous le même toit et ils avaient bien conscience que ça n’allait pas être possible. Ils sentaient bien qu’il valait mieux en rester là. La tension s’était installée entre eux, ça devenait orageux et ce qui avait commencé par un coup de foudre pourrait bien se terminer dans un coup de tonnerre.
Parfois, mieux vaut tôt que trop tard. Aussi décidèrent-ils d’un commun accord qu’Isabelle repartirait le lendemain par le premier train et que c’en était fini d’une relation qui n’avait même pas eu le temps de se déployer. Tout ça pour un nuage de lait qui avait fait déborder la tasse !
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Michel Del Castillo – Tanguy – Gallimard
Page 66 - « Il l’embrassait et lui disait qu’il l’aimait. »

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