« Je lui aurais enlevé ses chaussures, je lui aurais fait à manger, je lui aurais préparé son lit… » dit Madeleine à son mari alors qu’elle est face à son miroir afin de s’apprêter pour aller se coucher. Elle détache ses cheveux qui se déploient en un long torrent roux sur ses épaules nacrées. D’un seul élan, Charles se relève et s’avance vers elle.
- Ne t’approche pas de moi, lui dit-elle tout en lui jetant un regard glacial dans le miroir.
Il tend la main vers elle qui se retourne brusquement et le gifle.
- Ne me touche pas, suis-je claire ?
Il se recouche, tire le drap sur lui puis éteint la lampe de chevet de son côté. Il ne reste de lumière que sur la table de nuit de son épouse et près du miroir où elle se réfracte sur les flacons de parfums et de cosmétiques. Elle termine de se brosser les cheveux avant de les attacher avec un ruban de satin jaune pour éviter qu’ils ne s’emmêlent pendant son sommeil.
Elle éteint les deux lampes avant de s’étendre près de son mari évitant tout contact comme si une frontière invisible les séparait.
« Pourquoi ? Si tu m’avais dit qu’il était en ville, j’aurais pu… Non rien, c’est trop tard maintenant, mon frère est mort par ta faute. »
Madeleine tourne le dos à Charles. Elle cherche à s’endormir pendant de longues heures et s’assoupit enfin au petit matin.
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Jean Anouilh – Antigone – La table ronde (La petite vermillon)
Page 66 - « je lui aurais enlevé ses chaussures, je lui aurais fait à manger, je lui aurais préparé son lit… »

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