mercredi 12 juin 2019

Consolation et hasard objectif


Au programme du Marché de la Poésie, ce samedi 10 juin, à 11h30, un atelier public d’écriture éphémère avec les Turbulents.
Je me rends à cet atelier sans trop savoir en quoi il consistera. Il est animé par Joël Kerouanton ; autour des tables, les écrivains turbulents, leurs accompagnateurs et quelques invitées qui se joignent à eux. Je suis de celles et ceux qui croient au hasard objectif comme d’autres croient en leur bonne étoile, la proposition de Joël est d’écrire à partir Des étoiles et des chiens : 76 inconsolés, ce sont soixante-seize exercices d’admiration de Thomas Vinau, dont j’ai lu plusieurs ouvrages et dont je visite régulièrement le blog.

Ma moisson au Marché de la Poésie... fidélité


Quand les textes nous sont distribués, je me sens presque en terrain connu et c’est avec plaisir que je découvre le mien. Victor Hugo, ça ne peut pas mieux tomber, pas plus mal non plus, c’est peut-être lui que j’aurais pu choisir pour l’exercice d’admiration, qui sait ?
Le livre tourne autour de la table, je regarde le sommaire, s’y croisent pour moi des inconnus, j’en découvre certains lorsque les participants à l’atelier lisent le texte dont il leur a été fait cadeau, et des inconsolés qui ont été pour moi aussi des rencontres consolantes : Louis Amstrong, Henri Callet, Charlotte Delbo, Emily Dickinson, Eugène Guillevic, Jacques Higelin, Frida Kahlo, Carson McCulers, Colette Magny, Lucy Parsons, Jules Vallès,...
Nous sommes ensuite invités à écrire des portraits de personnes ou personnages qui nous console et nous accompagne sur le chemin de la vie. Pour moi, ce sera Élisée Reclus et Gaston Bachelard...
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Deux étoiles, pour moi inséparables, d’une galaxie poétique et politique, des phares à l’horizon et des balises sur le chemin de la réflexion et de l’action. En moi, ils se font écho, se sont-ils jamais rencontrés, l’un connaissait-il l’œuvre de l’autre ? Les dates ne plaident pas en ma faveur mais peu importe, côte à côte, ils nourrissent et entretiennent mes engagements. Les titres de leurs livres, au tout début, n’ont peut-être pas été étrangers aux rapprochements que j’ai pu faire consciemment ou inconsciemment.
Tous deux mêlent, dans leur vie et leurs écrits, méditation poétique et morale, poésie et philosophie, rêve et savoir, contemplation de la nature et liberté, introspection et ouverture aux autres et sur le monde. Dans les tumultes de l’existence, ils chassent la mélancolie, éloignent de moi le vide de la pensée et m’apportent la force dans les combats quotidiens.
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Élisée Reclus (1830-1905)
« Une harmonie secrète s’établit entre la terre et les peuples qu’elle nourrit, et quand les sociétés imprudentes se permettent de porter la main sur la beauté de leur domaine, elles finissent toujours par s’en repentir. » (Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes, Revue des deux mondes, n° 63, 1866)
Géographe, anarchiste, communard, je ne sais dans quel ordre, il est l’auteur d’une somme en dix-neuf tomes, La Nouvelle géographie universelle ; pour moi, il est celui de deux petits livres, quand je dis petits c’est une question de volume pas d’importance, ces deux livres me sont essentiels et nécessaires : Histoire d’une montagne et Histoire d’un ruisseau. Ils m’accompagnent et me consolent en ces temps où notre Mère la Terre et la Nature connaissent de grands périls, les femmes et les hommes qui l’habitent traversent de grandes interrogations sur leur devenir. Science et réflexion sur la condition humaine s’unissent dans un lyrisme sensible. Mon inclination va plus particulièrement vers le second, peut-être parce qu’il me rappelle Perlette goutte d'eau, lu enfant dans la très belle collection des Albums du Père Castor.
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Gaston Bachelard (1884-1962)
« Les grandes passions se préparent en de grandes rêveries. » (La Poétique de la rêverie, 1960)
Lui, je l’ai rencontré beaucoup plus tôt, au lycée, comme le facteur Cheval, il avait été postier, j’imaginais que leurs voix à tous les deux avaient quelque chose de rocailleux, qu’elles étaient comme l’expression des forces de la nature, de l’art et de la poésie qui les habitaient. Avec lui, j’ai su très rapidement qu’être philosophe, ça ne relevait pas de la connaissance, des cours de philosophie mais de ce que tu ressentais et de ce que tu accomplissais dans ta vie de tous les jours, de l’adéquation entre ce que tu penses et ce que tu fais. Il a éclairé mon quotidien par la magie du verbe et de la poésie, entre perception et imagination, entre présence et distance au monde, sur fond de rêves animés par les quatre éléments et d’une « poétique de l’espace », celui de la maison, reflet de la structuration de notre psychisme et de notre vie. Au-delà du dedans, dans les mythologies et la littérature qu’il évoque et invoque, le dehors, le microcosme et le macrocosme m’englobant « poussière d’étoile » dans le Grand Tout de la Nature et du Cosmos.
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J’ai commencé à écrire ce texte pendant l’atelier, écrivains turbulents et invitées ont partagé puis lu les textes sur la scène… l’écriture de chacun est singulière et les inconsolés consolateurs pluriels. Je l’ai poursuivi dans les jours qui ont suivi et le voici donc aujourd’hui sur mon blog, je le dédie aux écrivains turbulents.

Plus tard dans l’après-midi, le hasard objectif frappe de nouveau. Je me promène dans les allées, feuilletant là un livre, dialoguant ailleurs avec les éditeurs et les auteurs, et dépensant des sous. Je regarde les livres de Corinne Hoex, auteure dont je lis depuis longtemps les romans et la poésie, sur le stand de la librairie Wallonie-Bruxelles, je n’en trouve que deux, je suis déçue... Un jeune homme installe deux tables pour des dédicaces, une grande et belle femme à la longue chevelure de neige s’assied près de livres déposés en piles, c’est elle… surprise et gratitude pour le bel échange.
Beaucoup d’autres rencontres sur les stands ou dans les allées. Mercredi soir, Giovanni Merloni et Claudia Patuzzi avec qui j’avais rendez-vous après le travail, nous ne nous étions pas vus depuis si longtemps. Installés autour de deux verres de vin et d’un chocolat, un moment agréable de retrouvailles entre amis. Ensuite, sous un déluge qui nous a contraint à reprendre le chemin vers le métro, nous traversons rapidement le Marché et croisons Lucien Suel venu du Nord pour une table ronde et une dédicace. Celles aussi qui furent manquées, faute de temps, d’oser ou de (re)connaître des personnes que je lis ou suis sur les réseaux sociaux.
Et puis, une belle moisson de recueils, entre fidélités et découvertes, et des heures de lecture et de plaisir à venir.

Ma moisson au Marché de la Poésie... découvertes





1 commentaire:

  1. me donnez presque regret d'y aller (presque parce que ma fichue timidité) - belles rencontres et beaux textes

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