dimanche 29 mai 2016

Modernité : pantoum mélancolique








Assise seule sur le seuil,
Odeurs de l'automne en cohorte.
De l'enfance faire le deuil,
Pour toujours, refermer la porte.


Odeurs de l'automne en cohorte,
Signes des frimas à venir,
Pour toujours, refermer la porte
Sur la vapeur du souvenir.


Signes des frimas à venir,
Le soleil tamisé ravive
Sur la vapeur du souvenir
La promesse que demain vive.


Le soleil tamisé ravive
Les mots que l'encre bleue renoue,
La promesse que demain vive,
Que ta vie se reflète en nous.


Les mots que l'encre bleue renoue
Dans le ciel ; naît la certitude
Que ta vie se reflète en nous,
Fulgurance, la plénitude.


Dans le ciel, naît la certitude.
Le dernier chant du bouvreuil,
Fulgurance, la plénitude,
Assise seule sur le seuil.


Bande-son (Kaddish de Maurice Ravel)




Ce texte a été publié pour la première fois dans le cadre d'une dissémination sur le thème « Ecrire le temps ».









mercredi 25 mai 2016

To-do liste matinale ou Rituel de l'éveil





- Mettre le radar et déclencher les automatismes.
- Chausser les lunettes, c'est un bon début…
- Allumer la lampe du salon.
- Se rendre dans la cuisine (dite américaine).
- Appuyer sur le bouton « On » de la bouilloire électrique pour faire chauffer l'eau préparée la veille.
- Aller faire pipi, contingence physiologique souvent à l'origine de l'éveil.
- Allumer l'ordinateur.
- Sortir un grand bol -y mettre le thé- et un grand verre -y verser du jus de fruit.
- Ouvrir le navigateur de l'ordinateur et regarder les mails et les notifications Twitter de la nuit.
- Verser l'eau chaude dans le bol.
- Fumer la première cigarette pendant l'infusion.
- Commencer à lire et à partager les textes publiés sur les blogs.
- Jeter les feuilles de thé dans la poubelle.
- Apporter le bol sur la table devant l'ordinateur.



- Manger des céréales dans du lait végétal ou des anglaiseries accompagnées de confiture ; quelquefois une banane pour le magnésium. Quand c'est la dèche, tremper quelques biscuits dans le thé.
- Continuer à lire et à partager les textes publiés sur les blogs.
- Prendre une douche bien chaude pour finaliser la mise en route de la carcasse.
- Ensuite, commence la journée mais c'est là une toute autre histoire...






jeudi 19 mai 2016

Haïkus malouins







Vendredi 13



Cadre naturel

ouvert sur soleil couchant,

couleurs suréelles.





Samedi 14



Ne rien oublier...

Mémoire aux couleurs trop vives

pour sombres douleurs.






Dimanche 15



Au-delà du temps,

Surcouf nous désigne Albion,

perfide ennemie.





Lundi 16



Fils lancés, tendus...

Lointains rêvés ou vécus,

consciences en veille.







vendredi 6 mai 2016

Vases Communicants du 4 mai 2016 : Invité : Dominique Hasselmann : « La peau de pierre nue »






François Bon a été à l’origine de ces échanges le premier vendredi de chaque mois, que j’ai découverts alors qu’ils étaient coordonnés par Brigitte Célérier ; Angèle Casanova a pris le relais à partir de novembre 2014. Je remplace Angèle depuis le mois de novembre dernier.


Aujourd’hui, j’ai donc le très grand plaisir de recevoir Dominique Hasselmann pour ces Vases Communicants et de publier son texte « La peau de pierre nue » chez La dilettante.


Je le remercie d'accueillir mon texte « Vous qui passez sans me voir... » sur son blog : Métronomiques.


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(cliquer pour agrandir)


La peau de pierre nue

Imprudemment sans doute, j’ai quitté mon piédestal mais j’ai attendu que la nuit ait enveloppé les environs. Si je m’étais baladée dans le plus simple appareil, on m’aurait mis la main dessus. Ou il aurait fallu que je me trouve et enfile une burqa pour passer inaperçue.

J’ai marché le long des rues près de ce parc de Créteil. Tout était calme et silencieux, seules quelques rares voitures s’annonçaient de temps en temps au loin par le pinceau de leurs phares blancs. Alors, je me rencognais rapidement dans une porte cochère ou derrière un abribus.

Le vent caressait ma peau de pierre nue. Drôle d’impression que celle de retrouver sa liberté de mouvement si longtemps déniée, entravée… Je n’avais pas noté le nom de celui qui, telle une Frankenstein féminine (en plus jolie !), m’avait créée. C’était peut-être aussi une femme sculpteur, un double de Mary Shelley ? On ne m’avait pas demandé mon avis, une fois l’œuvre ou le forfait accompli.

Quel besoin d’habits ? J’avais affronté sans rien toutes les saisons, le gel et la neige de l’hiver, le printemps des fleurs bleu blanc rouge, l’été meurtrier, l’automne et sa rousseur, et ce, durant quelques années. Sans compter les regards concupiscents (des hommes et parfois des femmes), les caresses osées (de préférence une fois le soir tombé, malgré l’entrée du parc cadenassée), les baisers à bouche-que-veux-tu et que je ne pouvais repousser.

Là, je me sentais enfin libre, mes jambes étaient soudain déliées, mes cuisses fonctionnaient comme des bielles de locomotive à vapeur, mes longs cheveux me servaient en quelque sorte de GPS nocturne. Je n’avais pas froid, la marche faisait circuler un sang nouveau dans mon corps jusqu’alors pétrifié.

Ce parfum entêtant d’horizon indéterminé (comme ce qu’ils nomment un « CDI »), de lignes de fuite offertes, d’escapade sans butoir, j’en profitais avec joie et innocemment.

Par ce coup de baguette magique inattendu – quelqu’un avait écrit à mon propos et ses simples lignes avaient coupé les liens qui m’attachaient au socle minéral de ce lieu à la Philippe Sollers – je goûtais, sans l’avoir jamais espéré, l’enchantement, l’adorable miracle qui m’adoubait fortuitement dans le monde des vivants.

Après plusieurs heures de promenade, du moins je le présume car je n’avais pas reçu de montre figurant à mon poignet, je commençais à ressentir une certaine fatigue (j’aperçus une plaque : rue Poète et Seillier), et je décidai de regagner mon lieu d’habitation. J’enjambais sans difficulté, comme à l’aller, la clôture de cet espace vert où on n’avait pas encore installé des toboggans pour enfants avec sol amortisseur de chocs en fausse mousse verte.

Je me rapprochai doucement du socle sur lequel j’avais été plantée le jour de ma naissance. Le jour apparaissait et les fleurs, gonflées de rosée, m’avaient attendue.

Je repris la pause : debout, souriante, les seins fiers, la jambe galbée en avant, comme pour indiquer que j’étais prête à une nouvelle excursion.

Les visiteurs du soir pouvaient désormais revenir mais ils ne sauraient jamais que je possédais maintenant une double vie.



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texte : Dominique Hasselmann
photographie : Marie-Noëlle Bertrand