Les
Bizots – Le Theurot
La
voiture entre dans le chemin qui conduit à la ferme. Dans un pré,
près d’une bouchure, une petite silhouette vêtue d’une veste et
d’un pantalon noirs, ceux que le vieux paysan met le dimanche. Une
casquette surplombe le crâne couronné de cheveux blancs. Un mégot
vissé au coin de la bouche. Les enfants, à l’arrière de la
voiture, devine la moustache blanche. Oui, c’est lui, c’est bien
lui, c’est le grand-père.
Poil – Place du village
La
pierre du monument aux morts est chaude au cœur de l’après-midi
d’été. Des petites bestioles rouges courent sur la bordure. Les
enfants aimeraient s’asseoir sur le rebord mais ils craignent
d’être piqués. Ils jouent en criant. Ils rient aux éclats en se
répétant encore et encore la blague racontée par leur mère :
celle de la photo du Bernard à Poil.
Quelque part – Entre le réel et l’imagination
Sur
la place, la clameur du petit cirque s’était tue. Dans le petit
matin blanc, ils ont attaché les longues caravanes aux grosses
voitures ; les portières ont claqué. Dans l’éclat verdâtre des
réverbères, ils passent devant l’église. La lumière éclaire
faiblement la fillette qui a passé quelques jours dans l’école du
village. Derrière la vitre, son visage est illuminé par un sourire.
Sur ses genoux, la petite volière avec les colombes de son père, le
magicien. Ils partent vers un autre bourg.
« C’est
un trou de verdure où chante une rivière ». Les enfants
jouent sans trop s’en approcher. Dans cette famille, l’accident
que l’on redoute le plus, c’est la noyade mais on ne sait pas, on
ne dit pas pourquoi. Sur les rochers, on a posé des serviettes et
chacun s’est installé avec son pique-nique. L’ombre des feuilles
danse, des milliers d’éclats de lumière se dispersent dans l’air
et sur le sol. La rivière bondit sur les cailloux et l’eau
éclabousse. Les oiseaux chantent, le père reconnaît les chants et
nomme ; il en est de même pour les arbres qu’il distingue les
uns des autres grâce à leur écorce et à la forme de leurs
feuilles.
Dijon – Cité U
Un
arbre, ce n’est pas un saule, juste un arbre qui pleure, ses
feuilles douces et tendres frémissent dans la brise tiède du soir
de juin qui tombe. Il est posé au bord de l’île verte, l’île
d’herbe entourée de pavillons dans lesquels s’empilent les
chambres de 9 m2.
Au bout des couloirs, une cuisine collective et des douches, pas
collectives. Assis dans l’herbe, sur l’île, près de l’arbre
qui pleure, des étudiants, des filles et des garçons. L’un d’eux
joue à la guitare un de ces airs qui accompagne la jeunesse. Les
notes de la « maison bleue » ondoient dans l’heure
bleue. Entre chien et loup, des voix parfois discordantes s’élèvent,
des paroles s’envolent, des rires cristallent. Des silhouettes qui
rejoignent leurs chambres se dessinent sur la rivière goudronnée
autour de l’île. Des groupes, des couples enlacés, des
solitaires. Les fenêtres s’éclairent, les étoiles s’allument,
la lune se dessine au fur et à mesure que le ciel s’assombrit.
Une
fillette –Alice, c’est Alice– cheveux au vent. Elle court dans
un champ constellé de coquelicots. L’air léger fait flotter les
fleurs rouges sur la mer vert tendre du blé. Elle me visite depuis
des années, je la suis sans jamais pouvoir la rattraper. Elle
disparaît à l’horizon, entre blé et ciel. Un jour, je me
retrouve face à elle, les pieds dans l’eau, dans un tableau de
Michel Bouchet.
Michel Bouchet, Les pieds dans l'eau |
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Ces
fragments ont été écrits dans le cadre du cycle d'ateliers
d'écriture de l'hiver 2019 : «
en
4000 mots » | recherches sur la nouvelle |
proposition 1, des images mentales
»
proposé par François Bon, sur le Tiers-Livre.
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