...s’installer
sur une table avec une feuille blanche ou devant l’ordinateur,
faire le silence, se concentrer, ne penser qu’à ce qui devrait, va
s’écrire, et là, c’est sûr, rien ne vient, pas le moindre mot,
le blocage. Il faut faire avec ce qui reste de “temps de cerveau
disponible”, entre les moments d’occupations fixes, les autres
ponctuels et programmés, les soucis imprévus... Comme pour la
lecture, plusieurs textes à la fois. Arrive quand je m’y attends
le moins, quand je ne m’y attends pas. Feutres, carnet ou petit
cahier, morceaux de carton découpés, dans la poche avant du sac à
dos ou dans le grand sac à main ; d’abord papier puis ordi,
impressions, ratures, corrections, relecture... Des notes prises à
la hâte sur des paperolles qui se retrouvent soigneusement pliées
ou chiffonnées au fond des poches qu’il faut explorer, les
retrouver et les déchiffrer. Besoin de bruit, de sons alentour,
d’animation même si c’est pour en faire abstraction ou n’en
attraper que des bribes ; concourt à un repli sur soi, en soi
favorable à la décantation des idées et à l'écriture. Dans une
grande bibliothèque où persiste le bruissement du monde, c’est
possible. L’ordinateur sur la table face à la fenêtre, c’est au
rez-de-chaussée. À
la belle saison, la rumeur du dehors : le passage régulier des bus
et des voitures, les voix des enfants de l’école d’à côté.
L’hiver, seules diversions, la météo, quelques silhouettes qui
passent sur le trottoir. Aux terrasses des cafés, chauffées en cas
d'humidité ou de froid. De toute façon, toujours à l'extérieur,
pouvoir vapoter. Là, l'écriture, le plus souvent manuscrite
s'accompagne d'un thé, d'un soda, d'une bière ou d'un verre de vin
selon l'humeur. Là, s'élaborent le plus souvent les notes, les
premiers jets. Le plus difficile, être statique. Besoin du mouvement
de la marche, de la translation passive dans les transports... le
mien ou celui des autres. Une place assise dans le métro, le RER,
sur les genoux, ne pas rater l’arrêt, être en alerte, écrire de
manière flottante. Impératif de traverser la nuit, le sommeil et le
rêve. Sur
le fil du réel et de l’imaginaire, dévider, tisser les mots,
tramer, chaîner, étoffer les phrases, éviter l’effet patchwork,
estomper les coutures, en filigrane les souvenirs, la mémoire, la
mélancolie.
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Ce
texte a été écrit dans le cadre du cycle d'ateliers d'écriture de
l'hiver 2019 : «
en
4000 mots » | recherches sur la nouvelle | proposition 7,
Virginia Woolf : contexte de l’écriture »
proposé par François Bon, sur le Tiers-Livre.
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