mardi 11 octobre 2016

Un cri qui vient de loin






Entre le chant et le cri, il n’y a que l’illisible partition de nos étroits solfèges.
(Francis Royo, Aporos 60)




Louise Bourgeois - Rejection (2001) - Tissu, acier et plomb


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Du fond du puits de l'enfance, d'une fissure dans le temps et dans l'espace, me reviennent les cris de ma mère couverts par le silence et le regard gris acier de mon père.

Toujours cette menace qui guette… les cris fracassants de silence ou assourdissants de colère. Ils infestent mon corps et hantent mon cerveau dans l'attente de la libération. Se délivrer des angoisses et de la rage dans le silence ou la fureur, imploser ou exploser pour accéder au vivre…

Le silence, comme un chant à naître, résonne dans les profondeurs de la poitrine ; il remonte à la surface, avec le passé. Le cri retenu, étouffé finit par déferler, le séisme intérieur déchaîne les mots enfouis au fond du gouffre ; lâcher ce qui est là tapi, laisser jaillir les mots prisonniers dans les abysses de la gorge.

Au commencement, il s'extrait de la voix ; affleurent du néant des murmures éteints, comme asphyxiés. Soudain, surgit le cri, résonnant dans et du silence ; l'indicible déchire le secret dénudant la souffrance enfouie, ouvrant la porte et libérant la menace.

Pansons les plaies, laissons la place au Verbe.

Pansé à la hâte, le visage aux lèvres grandes ouvertes sur l'intérieur, aveu du silence dans lequel résonne l'angoisse qui colle au ventre et envahit de ses tentacules l'être tout entier.

Sans regard, les yeux arrachés et vides, le corps absent... j'entends le silence qui appelle à être crié, il crie si fort que subitement j'en suis comme sourde. Mais le vide des yeux contraint le regard à se détourner pour n'être plus qu'à l'écoute du cri ultime…

Fulgurante, une énergie intacte jaillit, le silence se rompt… le cri absolu, le fracas aveuglant d'un appel : M'entends-tu ? Ouvre, je ne peux pas rester enfermé !

Éjaculation ! Place au Verbe !

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Ceci est une réécriture à partir de fragments publiés dans le cadre des Vases Communicants de juillet 2016. Ils faisaient échos à ceux de Giovanni Merloni (Le portrait inconscient), pour un texte écrit à quatre mains -librement inspiré de "Rejection", une sculpture de Louise Bourgeois.






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