Entre
le chant et le cri, il n’y a que
l’illisible
partition de nos étroits solfèges.
(Francis
Royo, Aporos 60)
Louise Bourgeois - Rejection (2001) - Tissu, acier et plomb |
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Du
fond du puits de l'enfance, d'une fissure dans le temps et dans
l'espace, me reviennent les cris de ma mère couverts par le silence
et le regard gris acier de mon père.
Toujours
cette menace qui guette… les cris fracassants de silence ou
assourdissants de colère. Ils infestent mon corps et hantent mon
cerveau dans l'attente de la libération. Se
délivrer des angoisses et de la rage dans le silence ou la fureur,
imploser ou exploser pour accéder au vivre…
Le
silence, comme un chant à naître, résonne dans les profondeurs de
la poitrine ; il remonte à la surface, avec le passé. Le cri
retenu, étouffé finit par déferler, le séisme intérieur déchaîne
les mots enfouis au fond du gouffre ; lâcher ce qui est là
tapi, laisser jaillir les mots prisonniers dans les abysses de la
gorge.
Au
commencement, il s'extrait de la voix ; affleurent du néant des
murmures éteints, comme asphyxiés. Soudain, surgit le cri,
résonnant dans et du silence ; l'indicible déchire le secret
dénudant la souffrance enfouie, ouvrant la porte et libérant la
menace.
Pansons
les plaies, laissons la place au Verbe.
Pansé
à la hâte, le visage aux lèvres grandes ouvertes sur l'intérieur,
aveu du silence dans lequel résonne l'angoisse qui colle au ventre
et envahit de ses tentacules l'être tout entier.
Sans
regard, les yeux arrachés et vides, le corps absent... j'entends le
silence qui appelle à être crié, il crie si fort que subitement
j'en suis comme sourde. Mais le vide des yeux contraint le regard à
se détourner pour n'être plus qu'à l'écoute du cri ultime…
Fulgurante,
une énergie intacte jaillit, le silence se rompt… le cri absolu,
le fracas aveuglant d'un appel : M'entends-tu ? Ouvre, je ne
peux pas rester enfermé !
Éjaculation !
Place au Verbe !
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Ceci
est une réécriture à partir de fragments publiés dans
le cadre des Vases
Communicants de juillet
2016.
Ils
faisaient échos à ceux de Giovanni
Merloni (Le
portrait inconscient),
pour
un
texte écrit à quatre mains
-librement inspiré de "Rejection", une sculpture de Louise
Bourgeois.
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