D’habitude,
elle se regarde peu dans le miroir au moment de se préparer. Elle ne
s’aime pas, elle n’aime pas sa tête dans le miroir, elle ne se
maquille pas, se coiffer, un coup de brosse suffit, ça se met, ça
se place comme ça veut... parfois, elle jette un coup d’œil après
avoir mis ses lunettes.
Aujourd’hui elle a rendez-vous pour la première fois avec un homme, jusqu’à maintenant ils ne se sont parlé qu’au téléphone. Sa voix, ce qu’il dit l’a bouleversée, troublée. La voix, les mots l’enivrent.
C’est
un soir d’avril, « en avril ne te découvre pas d’un
fil »... mais là elle a envie de se découvrir, de se laisser
découvrir, de laisser deviner ce corps que d’ordinaire elle cache,
qu’elle-même ne regarde pas.
Ce
sera donc cette jupe rouge achetée quelques printemps auparavant et
qu’elle n’a jamais mise, trop courte, on voit ses genoux qu’elle
n’aime pas, des collants, pas opaques mais pas transparents non
plus, noirs.
Hier
elle a acheté du mascara noir et du rouge pour mettre sur ses
lèvres, elle y renonce, pour cela il faudrait vraiment regarder dans
le miroir, se regarder dans le miroir. Pourtant, pour la première
fois, elle tournera la psyché qui depuis des mois fait face au mur,
ne pas y surprendre son reflet par inadvertance.
Des
années plus tard, alors qu’ils vont se séparer définitivement,
mais sait-on jamais ce qui est définitif, ils l’ont déjà fait
tant de fois, il lui parlera du désir, du désir né des cuisses
rondes, gainées de noir affleurant d'une jupe rouge et courte, ses
cuisses qu’il avait aperçues sous la petite table ronde du café
lors de cette première rencontre. C’est à ce moment-là, au
moment de partir, qu’elle a su que depuis le début, leur histoire
s’était construite sur une illusion, la séduction.
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Ce
texte a été écrit dans le cadre d’un atelier avec Frédérique
Anne (Oser Écrire) à la Médiathèque Françoise Sagan (Paris). Il
s’inscrivait dans une série d’animations autour de l’exposition
« Laisse pas traîner ton fil ».
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