Une
adolescente éteint sa cigarette avant de monter dans le bus - elle
pense qu'à cet âge elle aussi elle fumait mais dans le bus c'était
bien avant la loi Évin quand sa mère lui disait qu'elle sentait le
tabac elle disait toujours que c'était les autres ses parents
n'étaient pas dupes. Elle court pour attraper le bus elle sera la
dernière à monter c'est sans doute elle qui a le plus petit sac les
élèves qui sortent des écoles alentours ont tous des sacs à dos
parfois débordants de livres et de cahiers il y a l’éternelle
retraitée avec son caddie regorgeant de courses - elle pense à son
sac à dos à elle qu'elle essaie de ne pas trop remplir puisqu'elle
l'a adopté afin de lutter contre le mal de dos tout comme le caddie
qu'elle utilise depuis quelques années pour faire ses courses. Lui
est monté sans lâcher son téléphone il n'a pas salué le
chauffeur il n'a pas validé sa carte Navigo qu'il a pourtant à la
main - elle pense qu'elle est un dinosaure elle se souvient du temps
où il fallait trouver une cabine téléphonique si l'on voulait
prévenir d'un retard elles ont presque disparues les cabines on
restait chez soi si l'on attendait un coup de fil important
aujourd'hui encore elle n'aime pas avoir des conversations
téléphoniques personnelles en public. Elle sur le trottoir plus
exactement sur la piste cyclable droite comme un i tout de noir vêtue
quelques paillettes d'argent dans la jupe casque noir assorti port
altier - elle pense qu'elle n'a jamais voulu faire de vélo en ville
que de toute façon elle n'aurait jamais pu avoir cette élégance
dans l’adversité de la circulation urbaine. Deux collégiens se
tiennent la main les autres ricanent dans leur dos mais ils n'en ont
cure ils se mangent des yeux ils sont les seuls à avoir abandonné
leurs portables au fond de leur poche - elle pense à son premier
amour d'adolescente qu'elle avait embrassé au fond du bus justement
sur le chemin du retour celui du collège. Une femme se plaint de ne
pas pouvoir se retenir à un poteau ou à une barre entre sa place
assise et la porte de sortie dans ces nouveaux bus - elle pense que
nouveaux ils ne le sont plus tant que ça un an déjà peut-être
deux qu'ils ont remplacé les anciens elle pense qu'elle est
quelquefois cette femme qui dit haut et fort que ces bus ne sont pas
adaptés qu'ils ont été conçus par quelqu'un qui ne le prend
jamais le bus et surtout qui n'a pas d'arthrose. Le jeune homme
debout devant elle à un beau petit cul bien ferme elle profite des
cahots du bus pour le frôler avec son ventre - elle pense que si
c'était le contraire elle se retournerai indignée et lui lancerai
un regard noir comme elle l'a déjà fait par le passé pas de
scandale ce n’est pas son genre - elle pense dix-huit secondes à
l'heure des sardines c'est long.
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Ce
texte a été écrit sur les indications de « Personnages
6
» du cycle d'ateliers d'écriture de l'été 2017 proposé par
François Bon, sur le Tiers-Livre :
les
dix-huit secondes d’Artaud
». Arrivé trop tard, il ne fut pas publié. Un an après, vous le
découvrez ici.
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