samedi 30 avril 2016

Choses vues





Fragment du jour 1

Sur un bout de carton :
« J'ai faim, aidez-moi ».
Une femme s'assied près d'elle,
sort un sandwich de son sac.
Elle le partage, l'instant aussi.



Fragment du jour 2

Arrêt brusque du bus.
Péniblement, elle s'avance pour descendre ;
les courses sont lourdes dans le chariot.
Un collégien les dépose sur le trottoir.
Dans leurs regards, remerciements réciproques.



Fragment du jour 3

Elle trébuche sur le trottoir.
Il l'aide à se relever ;
il s'enquiert : « Ça va aller ? »
Oui… Il sourit.
Ils repartiront chacun de leur côté.



Fragment du jour 4

Face à l'évidence
de l'attention portée à l'autre,
de l'entraide fraternelle,
l'étonnement.
Pourquoi ?



Fragment du jour 5

C'est qu'des bêtes qu'ils disent...
Salon de l'Agriculture ?
Non, le Ministère du Travail !



Fragment du jour 6

Calais, destruction de la Jungle…
Expulsés de leurs abris de fortune,
des réfugiés se cousent la bouche.
Sont là des témoins : stupéfaction, non ingérence ou indifférence ?

« Now will you listen ? »



Fragment du jour 7


Consternation...





Ce texte a été publié pour la première fois sur « Sous mes doigts la pluie », le blog d’Olivier Savignat, dans le cadre des Vases Communicants de mars 2016.







 

mardi 19 avril 2016

Management translation





Management translation




Management translation - Manègement < de manège, lieu où l'on fait tourner les chevaux en rond pour les dresser, les dompter… Manège < du latin « manus agere », conduire avec la main. Manager = c'est conduire de main de maître. Manager = manipuler adroitement et artificieusement des individus et des groupes pour parvenir à ses fins. Manager = tenir les rênes de l’entreprise et faire attelage avec l’équipe. Manager = faire tourner en bourrique , transformer en une bête de somme, faire tourner en rond jusqu'au chacun pour soi et à l'insolidarité.


Ce texte a été publié pour la première fois sur le blog de Stéphane Bataillon, dans le cadre des Vases Communicants de janvier 2016.








vendredi 1 avril 2016

Vases Communicants du 1er avril 2016 : Invitée : Sylvie Pollastri : Dans cet éternel présent de nos regards (1/2)




Entends-tu ? Entends-tu nos voix qui se sont tues ? Entends-tu derrière nos voix l’étendue du silence qui nous sépare ? Vois-tu dans cet éternel présent de nos regards le lien qui nous unit, maintenant que tes yeux se posent sur nous ?





Réunis dans un cercle. Une famille. M’a-t-elle devancée ? Peut-être. Je n’ai pas de mémoire ; j’ai beau scruter leurs regards fixes et quelque peu farouches, j’ai bien peur qu’elle ne soit à jamais perdue. Réunis dans un cercle. Elle, la mère, assise dans sa robe noire qu’on voudrait de satin, assise comme sur un trône, la main du père sur son épaule. Il a ôté sa casquette que l’on croit entrevoir accrochée près de l’entrée de la maison. Il en reste la marque sur le front. Son aîné a sa posture. Comme lui, il est freiné dans un élan, dans une ténacité où pointe l’inquiétude de ne pas voir vers ce futur improbable, dans l’attente de l’ordre du photographe. Il porte des habits de presque homme, un gilet sous sa veste longue, un pantalon déjà sous le genou. Je ne sais s’il a des chaussettes dans ses bottines à boutons plutôt neuves. Je pense que oui. Son cadet en marinière claire rechigne à vouloir rester sans bouger. D’ailleurs, on vient de le réprimander. « Arrête de gigoter ! d’agiter les bras ! tu vas froisser tes vêtements ! » Et c’est un regard torve qu’il lance à travers le siècle. Le plus petit a obéit, lui, a attendu juste avant le clic, non ? Les filles sont si posées au contraire. L’aînée parait bien plus grande que son âge, trop sérieuse, presque nourrie de colère. La cadette, seule, sourit, le bras gauche posé nonchalamment sur l’épaule de sa mère. La mère qui timide à sourire elle aussi, mais a su conserver des yeux rieurs qu’elle offre ainsi à l’inconnu qui la regarde aujourd’hui. La mère, derrière son regard lumière, derrière sa robe noire qui pourrait être de taffetas, la mère, reine assise comme sur un trône, la mère s’efface inexorablement, disparaît. Car les cols clairs du père et de l’adolescent comme les grands cols sur les robes des filles tracent une double ligne convergente vers l’enfant, tenu par deux mains solides. L’enfant, au cœur d’une nativité sans âge sur le trône du temps. Il me fixe avec deux grands yeux ourlés de sourcils noirs, étrangement forts, dérangement vifs sous la retouche.
Non, je n’entends pas vos voix que vous avez su taire à cet instant. Je ne vois sur vos visages que le calme malgré des sentiments retenus, enfouis, tenus au loin, tout comme les bruits proches de la rue, tout comme la fatigue qui s’inscrit sur vos mains adultes. Toute la vie est revenue après cette photo solennelle que vous avez pris soin de me faire parvenir. Toute la vie, contenue dans ce cercle. Une famille millénaire, la nativité de toute génération.

Sylvie Pollastri





François Bon a été à l’origine de ces échanges le premier vendredi de chaque mois, que j’ai découverts alors qu’ils étaient coordonnés par Brigitte Célérier ; Angèle Casanova a pris le relais à partir de novembre 2014. Je remplace Angèle depuis le mois de novembre dernier.




Aujourd’hui, j’ai donc le très grand plaisir de recevoir Sylvie Pollastri pour ces Vases Communicants et de publier son texte « Dans cet éternel présent de nos regards (1/2) » sur La dilettante.


Je la remercie d'accueillir mon texte « Dans cet éternel présent de nos regards (2/2) » son blog : Chronique des pas perdus.




 
© Sylvie Pollastri

Avec Francis Royo, distance et proximité




Hommage à Francis Royo : dissémination avec la web-​association des auteurs.


http://contrepoint.co/2016/03/28/epilogue/




En décembre 2013, j'avais demandé à Francis Royo l'autorisation de lire certains de ses textes à des personnes âgées ; j'avais été très touchée qu'il accepte. Je les partage à nouveau ici…



J’ai des chagrins d’étincelles. Je suis illuminé de larmes.
11 novembre 2013


j’embrasse de chacun de mes jours l’aube désemparée. j’articule mon temps blessé
18 novembre 2013


le matin j’attends. parfois une petite pluie s’avance qui veut me raconter
30 novembre 2013


la lune déchire des syllabes dans le labyrinthe de mes paupières
5 décembre 2013


j’ai voulu remonter les fleuves. l’écho des sources eut pour moi des mots d’apocalypse
10 décembre 2013


quand mon cœur et mon corps accélèrent le monde entier les suit. comme un wagon
12 décembre 2013


une heure où le peu qui respire sent la séparation. nos jungles fatiguées. nos cris de sauvages étouffés et les aurores lourdes. menez-moi à la mare. ne perdez pas de temps. ma soif de vous me tue
17 décembre 2013


J’ai besoin d’une grâce qui ne soit pas de ma faute. un sourire sans misère. une mer et du vent.
24 décembre 2013


La pluie qui déshabille notre innocence
La pluie aux mains pleines
Aux mains nues qui s’attardent
La pluie est un miroir
Où nos enfances s’égarent
Encore une fois
13 juillet 2011


http://analogos.fr/spip.php?article708

 
Je tiens le soir avec les arbres de longues conversations secrètes sur le cœur et l’écorce, les sèves idéales. Nous rions sous la lune et la hache du ciel.
14 octobre 2013



passer Utsu
lèvres gonflées de parfum d’algues
de mousses enragées
dans une nuit de couteaux


passer Utsu
enlacés des gouffres verts
du torrent
fous dansants
avec les ombres
belles dans les cailloux
du temps


entendre fluide et triste
la voix d’Ise
l’écho du soir


passer Utsu
de force calme
de cœur humide
corps stable et pas comptés


ignorer
sur ses flancs qui gonfle
son sexe
miraculeux


passer
11 décembre 2013


Je ne suis pas assez équilibré pour me pencher sur mon passé.
9 décembre 2011


Le silence n’est pas l’absence de sons mais l’absolu de tous les chants possibles.
22 février 2012


Une douleur qui remue décevra toujours moins qu’un bonheur à l’arrêt.
13 mars 2012


Entre la tête et le coeur il n’y a que l’espace d’un vœu.
1er mai 2012


Une fois désarmés, nos rires ne sont jamais que larmes repenties.
15 mai 2012


La parole est inquiète mais ses émerveillements en restaurent le silence.
2 août 2012


Ne plus écrire que ce seul mot -acquittement- qui rachète tous les sangs versés. Pour ne pas s’envoler alourdi d’une dette.
25 mai 2013


Cliquer, pour écouter...



Ce sont là des textes anciens, vous pouvez lire les plus récents sur Analogos.


Depuis presque deux ans, j'avais toujours un grand plaisir à découvrir les magnifiques Contrepoints qu'il nous offrait avec Claudine Sales ; les pastels de l'une et les textes de l'autre en écho…





Il m'envoyait parfois un message personnel sur Twitter pour me remercier des lectures et des partages ; nous échangions quelques mots, entre distance et proximité.

Il me manquera mais je pourrai continuer à dialoguer avec lui grâce aux textes de son blog. Je le remercie donc de les avoir partagés là.