ceux
qui se souviennent sont de moins en moins nombreux ; certains
ont pris soin d’en effacer les traces ; dessous c’est comme
un gruyère les galeries n’ont été ni comblées ni réétayées
lorsque le bois s’est délité ; l’homme imprévoyant accuse
les risques géologiques pour détruire ; ici ou là une
chapelle ; ailleurs la totalité d’une cité ; s’effacent
ainsi des pans entiers de vie ; s’estompent alors la mémoire
des lieux de l’enfance ;
le
Bois du Leu ça commençait à l’étang et ça se terminait à Chez
l’Ecuyer ; lorsque j’y reviens dans les années 90 pour
montrer MON école à la petite sœur d’un ami elle a été
détruite ; le Bois du Leu a carrément été rayé de la
carte ; il ne reste que l’école de musique et l’étang sis
en ce qui fut le haut du quartier moins touché par les
effondrements ; plus rien de l’école où je me suis rendue
chaque jour jusqu’aux vacances de Pâques de l’année 72 ;
plus rien des énormes platanes aux couleurs changeantes qui ornaient
la cour et marquaient le passage des saisons ; plus rien des
deux bâtiments dont l’un accueillait les élèves de maternelle et
de CP l’autre les classes des grands ; plus rien de la longue
algue brune accrochée à l’armoire au fond de ma classe de CP ;
plus rien du préau sous lequel j’ai sauté de cerceau en cerceau ;
plus rien du trottoir où j’ai demandé à un ami de mon père s’il
pouvait nous reconduire à la maison un jour où la personne qui
devait le faire n’était pas venue ;
quelques
arbres frêles plantés par l’ONF pour stabiliser les sols ;
aujourd’hui peut-être redevenu un bois ; prom’nons-nous
dans les bois pendant que le loup n’y est pas si le loup y était
il nous mangerait; loup y es-tu ; es-tu revenu au Bois du Leu ;
loup entends-tu que fais-tu ?
Ce
texte a été écrit dans le cadre du cycle d'ateliers d'écriture de
l'hiver
2016-2017 :
« du
lieu, 1 | lieu point-virgule lieu
» proposé par François Bon, sur le Tiers-Livre.
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