« Comment
s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde.
Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils
? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait
où l’on va ? Que disaient-ils ? »
Denis
Diderot (Jacques le fataliste et son maître)
Ils
se sont retrouvés là il y a trente ans, lors d’une fête au
village. Ils étaient revenus au pays chercher un endroit où se
re-poser au plus près de leurs racines. Ces deux-là s’étaient
rencontrés à l’école maternelle ; cela n’avait peut-être
pas été le premier amour mais ils s’étaient aimés à l’âge
du lycée, à cette époque où les voies paraissaient toute tracées.
Le temps a passé, les adolescents ont pris de l’âge. Une longue
parenthèse pendant laquelle chacun a mis ses rêves à l’épreuve,
parfois rude l’épreuve.
Ça
n’a plus d’importance, il n’est plus question de savoir ce que
la vie aurait pu être si elle avait été différente, juste de
construire les années à venir. Comme une révélation, ils prennent
tous deux conscience qu’ils sont de retour au bon endroit. Ils
s’engagent, cœurs et âmes à l’unisson, à faire en commun le
chemin qui leur reste sur cette terre à laquelle ils appartiennent
depuis des générations. En ce temps-là, leurs retrouvailles et
leur collocation, pratique devenue monnaie courante aujourd’hui,
intriguent les villageois mais ils continueront la vie l’un près
de l’autre, amis.
Ce
dernier jour d’automne, ils se préparent à tenir la promesse
faite trente ans auparavant, lors de la traditionnelle pendaison
de crémaillère, après que les invités soient partis. Entre deux
averses, ils apportent des chaises dans le verger, derrière la
maison. Le chemin parcouru dans l’année a été semé d’épreuves.
Du chemin, ils en voient le bout. Cet après-midi, l’arc-en-ciel
vient parfaire l’alliance du ciel et de la terre, du passé et du
présent. Plutôt que d’être à nouveau séparés, ils ont décidé
d’en finir ensemble. Le vent tombe,
la
lumière
s'éteint. Jusqu'à demain, ils sont tous les deux, une dernière
fois, pour toujours.
Photographie :
Hélène Verdier
Texte :
Marie-Noëlle Bertrand
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Ce
texte a été publié pour la première fois sur « Simultanées »,
le blog d’Hélène
Verdier,
dans le cadre
des
Vases
Communicants de
novembre
2016.
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