Tours,
Jardin Botanique, c'est le 14 juillet, il fait très chaud, de
l'autre côté de la route, l'hôpital, le vieil homme est assis sur
un banc, en blouse verte, à son poignet un bracelet avec son nom,
dans le pli du coude un cathéter, ce matin l'infirmer lui a fait un
prélèvement pour un bilan sanguin puis lui a mis des sangles pour
la perfusion sinon il l'arrache, ça lui a redonné des forces ;
quand ils ont eu le dos tourné, occupés qu'ils sont à courir dans
tous les sens en ce jour férié où la pénurie de personnel se fait
sentir plus encore qu'en temps dit normal, il pense qu'il fait trop
chaud dans la chambre, qu'il est trop seul, qu'il va aller faire un
tour pour s'aérer ; toujours des qui se croient utiles, un
couple a appelé l'hôpital qui a prévenu la police -oui, il n'en
est pas à son coup d'essai, et alors- et une femme, qui se promenait
seule, à qui il a rappelé son père qui avait réussi à fuguer de
l'EHPAD pour rejoindre la maison où il avait habité pendant plus de
quarante ans, a alerté les pompiers ; maintenant, il est entouré de
quatre pompiers et de quatre policiers, ils essaient de le persuader
de retraverser la route en sens inverse, il ne dit rien mais résiste
de tout son poids, il finit par se laisser convaincre, par céder, il
se lève difficilement, son corps ne veut pas accomplir ce que son
esprit n'a pas accepté, il se laisse pourtant conduire jusqu'à
l'entrée où les pompiers l'allongent sur un brancard -tout ce
cinéma pour traverser la route, pense-t-il- ni les pompiers ni la
police n'ont le temps de le raccompagner à pied ; la prochaine fois
qu'il voudra respirer l'air non empuanti des miasmes
(in)hospitaliers, voir un morceau de ciel bleu autrement que dans le
cadre d'une fenêtre et entendre chanter les oiseaux, il fera comme
son vieil ami, il y a un an.
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Ce
texte a été écrit dans le cadre du cycle d'ateliers d'écriture de
l'été 2016 : « Personnages
3 | tout
Mauvignier en une seule phrase
» proposé par François Bon, sur le Tiers-Livre.
la prochaine fois, j'aimerais bien qu'il ne croise pas si tôt les "qui se croient utiles"... Beau personnage, belle phrase!
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