mardi 15 octobre 2019

Épreuve(s) : Ronde d’octobre 2019 avec Dominique Hasselmann


Aujourd'hui, la ronde, s’enroule et se déroule sur le thème « Épreuve(s) ».
Le principe, aussi simple que la danse enfantine : le premier écrit chez le deuxième, qui écrit chez le troisième, et ainsi de suite.
Ce mois-ci, j'ai le plaisir de recevoir Dominique Hasselmann qui est l’auteur du blog : « Métronomiques ».
Quant à Giovanni Merloni, il accueille mon texte sur le sien : « Le portrait inconscient ».

Merci à tous les deux, à tous ceux qui font la ronde et à leurs lecteurs.

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Épreuve de philosophie
(4 heures)
Sujet : Épreuve(s).


Mon grand-père paternel avait été un combattant de Verdun. Tout petits, nous l’écoutions raconter ses jours passés dans les tranchées, la boue, la pluie, le froid, la sensation qu’il était impossible « d’en revenir ». Il avait connu « l’épreuve du feu ». Ce déluge de shrapnels, ces bombardements incessants, le sifflement des balles de fusils et de mitrailleuses des soldats d’en face, « les Boches » : la symphonie pour un massacre était restée gravée dans sa mémoire.
Dans le grenier de la maison qu’il habitait, une fois en retraite, à Vesoul (Haute-Saône), nous avions trouvé un jour, mon frère et moi, deux casques et deux masques à gaz qu’il avait rapportés de la guerre. Une fois coiffés et équipés (drôle d’odeur à l’intérieur des appareils pour respirer), nous descendîmes un jour pour lui faire la surprise… Scandale !

Brillamment décrite par Henri Barbusse dans Le Feu, publié en 1916 par Flammarion et qui remporta le prix Goncourt la même année, cette épreuve consume. Il est curieux de noter qu’un précédent livre de l’écrivain communiste, admirateur de Staline, portait pour titre L’Enfer (1908), sorte de prémonition de ce qu’il allait rencontrer lui-même en s’engageant dès le mois de décembre 1914, à l’âge de 41 ans, dans l’armée regroupée au front (231ème régiment d’infanterie), où il restera jusqu’en 1916.
Il faut alors réussir l’épreuve du feu – demeurer vivant – en esquivant la mitraille, en espérant que celle-ci ne vous a pas défini précisément comme cible, en vous abritant sous les rondins et derrière le parapet de la tranchée. Vos camarades sont forcément les prochaines victimes, pas vous.

C’est là que le feu brûle comme la glace et par intermittences non prévisibles : au passage de la Bérézina certains en gardaient un souvenir cuisant. Verdun était devenu une forge fantastique où Pétain n’était pas Vulcain mais celui qui fit fusiller « pour l’exemple » les mutins refusant d’aller à l’abattoir : le film de Stanley Kubrick, Les Sentiers de la gloire (1957), a reconstitué avec force cet épisode historique longtemps passé sous silence.
De nos jours, l’épreuve du feu est laissée aux pompiers. Ils ont pu la rencontrer récemment, sur une grande ampleur, avec l’incendie de l’usine Lubrizol, classée Seveso, à Rouen. « L’incident » n’a produit qu’un nuage de 22 km de long, dénué de toute « toxicité aiguë » (les cultures maraîchères et les élevages en plein air ont été néanmoins interdits dans quelques départements…), après que les flammes ont éclairé les lieux durant toute une nuit.

Pouvait-on, finalement, affronter l’épreuve du feu en se préparant au face-à-face grâce à un peu de pédagogie ? Les militaires professionnels en faisaient leur approche capitale, les pompiers leur exercice permanent. Pour sa part, au sein de l’éducation nationale, le corps enseignant ressentait de plus en plus les stigmates des grands brûlés. On se rappelait de la formule chantée par les élèves juste avant « les grandes vacances » (identique au titre d’un livre de Roland Dorgelès) : « Les cahiers au feu, les profs au milieu ! ».

(Paris, rue de Lancry, 10e, 19 septembre.)

texte et photo : Dominique Hasselmann

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En ce 15 octobre de l’an de grâce 2019, entrent dans la ronde des « Épreuve(s) »…
Dominique Hasselmann que j’accueille aujourd’hui. Cette fois-ci, je me rends chez Giovanni Merloni : Le portrait inconscient ; quant à lui il va chez Franck : A l’envi, puis Franck chez Marie-Christine Grimard : Promenades en ailleurs, Marie-Christine chez Jacques d'A. : La vie de Joseph Frisch, Jacques chez Dominique Autrou : La distance au personnage qui donne la main au premier Dominique : Métronomiques, etc.



5 commentaires:

  1. Ca ne laisse pas indifférent. Ça déclenche de la nostalgie sur une époque passée ( enfance gds parents ) et sur beaucoup d'actualité

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  2. @ Unknow : mention figurant (mais en français) sur des croix de bois dans certains cimetières de "Poilus"... :-)

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  3. (pour une rédaction/dissertation de 4 heures, tu aurais pu développer) (j'aurais bien aimé voir la tête du grand père lorsque les deux olibrius ont débarqué dans le salon, tiens..!)

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  4. @ Anonyme : Je connais l'attention portée à la lecture des blogs, donc je ne saurais abuser de cette faculté limitée (d'autant que l'ironie du titre provoquait ce concentré flambant... :-)

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  5. La pluie a dû faire fuir l'odeur, désormais, mais qui se préoccupera des désagréments subis par les vers de terre...

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