vendredi 22 juillet 2016

J'ai grandi dans une cité minière… (back to basics, 2 | autobiographie aux noms propres)




Cartes : Cassini ; Cité de l'Essertot et « Par date de construction »
 In « Les cités ouvrières des Mines de Blanzy : 1837-1939 de Frédéric Lagrange ; Google Earth.



Jusqu'à mes six ans presque et demi, époque à laquelle est né mon jeune frère, le queulot de la famille, j'ai habité à Chez l'Ecuyer, un nom qui reste pour moi plein de mystères.

Ensuite, j'ai grandi dans une cité minière. Quand je dis ça, on pense tout de suite au Nord. Eh bien non, j'ai grandi en Bourgogne, en Saône-et-Loire, près de Montceau-les-Mines, à Saint-Vallier plus exactement, dans la Cité des Gautherets.

Elle n'existait pas du temps de Cassini. Ma grand-mère qui est née à la ferme de l'Essertot, d'en bas ; il y avait aussi celle d'en haut où habitait son frère et ses neveux, l'a vu construire à partir des années 1920.
Au début, elle accueillit surtout des immigrés d'origine polonaise qui venaient travailler dans les mines où trouver de la main-d’œuvre était difficile suite aux pertes de la Première Guerre mondiale. Les puits portaient des noms de saints : Claude où se trouve aujourd'hui le Musée de la Mine de Blanzy, Louis, Barbe -si elle est connue pour être la patronne des sapeurs-pompiers, elle est aussi celle des mineurs, Elisabeth ; celui des lieux où ils étaient aussi. Le dernier à fermer, en 1992, fut celui de Darcy. Il ne resta alors, pendant quelques années encore, à Saint-Amédé ce qu'on appelait « la découverte » c'est-à-dire la mine à ciel ouvert.

Dans ma tête et mes jambes, je l'ai tant parcouru aussi bien à pied qu'à vélo, la Cité dessine un escargot entouré par le boulevard de Verdun dont la cité ne débordait pas trop.
Les rues portent presque toutes des noms de découvreurs et d'inventeurs :  Jacquard, Pasteur, Arago, Lavoisier,… avec quelques exceptions littéraires : Molière, La Fontaine, Corneille et quelques rappels des origines polonaises de ses habitants : Varsovie, Koscuiszko, Sobieski, Copernic, Rybnick. Et puis, la rue de l'Essertot, le chemin de la Verrerie et l'avenue de la Marne qui fait triste écho au boulevard de Verdun.
La ligne, un chemin à peine carrossable, qui conduisait au stade de Saint-Amédé, parallèlement à l'avenue de la Marne et dont j'ai découvert il y a peu de temps qu'il s'appelait Allée des Charmilles.

Moi, j'habitais la rue Nièpce, c'était facile pour indiquer le chemin à ceux qui venaient nous rendre visite puisque c'était celle de la chapelle. Cela permettait au béotien de se repérer dans ces rues et dans ces maisons le plus souvent jumelles qui lui paraissaient toutes identiques.
Le nombre de pièces et la disposition des logements étaient très variables. Nous en habitions un avec une annexe cela faisait un 4 pièces ; en haut deux chambres, en bas, en-dessous, la cuisine et la salle à manger et puis la fameuse annexe distinctive… des autres types de logements.

Dans la Cité, deux frontières. La première est plutôt floue ; en effet, la Cité s'étend pour un tiers sur la commune de Sanvignes, le reste sur celle de Saint-Vallier dont les habitants qui s'appelèrent longtemps les Saint-Vallériens sont devenus les Vallérois il y a quelques années, laïcité oblige sans doute.
Et puis il y a celle qu'on appelle « la Grande route » qui sépare la cité en deux. C'était la GRANDE ROUTE où se concentraient les principaux commerces et trois cafés dont un seul existe encore aujourd'hui, celui de l'Olympia qui jouxtait le cinéma du même nom . L'affiche du dernier film à avoir été projeté resta longtemps sur la façade : « Deux hommes dans la ville » avec Jean Gabin et Alain Delon, souvenir d'un temps révolu.
La grande route, c'est l'avenue Max Dormoy du côté Saint-Vallier qui se prolonge par l'avenue de la République sur Sanvignes.

Enfant, je franchissais rarement la limite de la grande route sauf pour aller à l'école de filles ; c'est aujourd'hui la seule école primaire qui reste dans le quartier ; l'école de garçons étant devenu un lieu que se partagent différentes associations et un espace communal. Elle porte aujourd'hui le nom de Jean-Pierre Brésillon qui fut mon professeur, trop tôt disparu, de français et d'histoire-géo au collège Nicolas Copernic.
Il suffisait aussi de la traverser pour faire des courses et se rendre chez le médecin qui partageait un grand bâtiment, l'ancienne « Goutte de lait » avec les sœurs et le dispensaire où nous allions pour les petits bobos voir le Valomi, c'est ainsi que nous appelons l'infirmier, et la sœur Warsova.

Dans les années 1970, seront construites la route express dont le nom véritable est RCEA (Route Centre-Europe Atlantique), elle passera juste derrière les deux fermes de l'Essertot, on entend depuis la Cité le flot presque continu de la circulation et la cité du Bey, les premiers immeubles que connaîtront Les Gautherets. Là, les noms des rues sont ceux de femmes célèbres du 20ème siècle : Berthe Morisot, Colette, Maria Montessori, Hélène Boucher, Sarah Bernhardt.

Au-delà, la rue des Puits, où il n'y en a plus, est aujourd'hui le seul chemin pour se rendre directement à l'hôpital tout proche ; pour ce qui est de son nom à lui, il a varié dans le temps et l'usage que chacun en fait dépend souvent de son âge : Hôpital de Galuzot ou Hôpital Jean Bouveri mais aujourd'hui son nom officiel est Hôpital de Montceau alors qu'il est sis sur la commune de Saint-Vallier. C'est dans un de ses bâtiments aujourd'hui presque abandonnés que je suis née ; il y avait dans ce qu'on appelait « le petit château », l'ancêtre de la maternité qui aujourd'hui a été regroupée avec celle de l'Hôtel-Dieu du Creusot. Tout cela est une autre histoire.



Ce texte a été écrit dans le cadre du cycle d'ateliers d'écriture de l'été 2016 : « back to basics, 2 | autobiographie aux noms propres » proposé par François Bon, sur le Tiers-Livre.





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