Aujourd'hui,
la ronde, s’enroule et se déroule sur le thème « Silence ».
Le
principe, aussi simple que la danse enfantine : le premier écrit
chez le deuxième, qui écrit chez le troisième, et ainsi de suite.
Ce
mois-ci, j'ai le plaisir de recevoir Giovanni Merloni qui est
l’auteur du blog : « Le
portrait inconscient ».
Quant
à Hélène Verdier, elle accueille mon texte sur le sien :
Simultanées.
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LA
CURE DU SILENCE
« Quand
Isabelle dort plus rien ne bouge »
Jacques
Brel
Pendant
ces jours qui vont devenir des mois, nous nous découvrons tous
plongés dans la même pensée (qui n’est pourtant pas une "pensée
unique”) formant en chacun de nous un épais nuage de silence.
C’est
d’abord le silence de tout ce qu’on ne doit même pas murmurer,
puis le silence des mots qui ne seraient pas nécessaires ni
opportuns, enfin le silence qui ne brise pas le silence qui règne
au-dehors de nous par une voix déplacée, par un accent exagéré,
par une gaffe, soit-elle insignifiante même.
Notre
silence, tout comme le silence au-dehors, ce n’est pas le résultat
d’un vent destructeur mais, au contraire, la prouve vivante de
notre capacité, individuelle et collective, de résister
respectueusement à la peur... qui, à son tour, est en train
peut-être d’apprendre à s’exprimer silencieusement, essayant de
ne pas faire du bruit quand elle doit sortir de son redoutable
silence ou lorsqu’elle comprend que l’heure est venue d’y
rentrer vite.
Le
silence devient ainsi la ressource extrême où les humains vont
puiser pour être en mesure de supporter le chagrin que déchaîne le
silence de ceux et celles, autour de nous, qui disparaissent à
jamais, ajoutant leur silhouette invisible aux sombres statistiques
du silence.
Chacun
de nous a donc besoin d’une provision supplémentaire de silence,
voire d’un endroit silencieux et secret, installé à mi-chemin
entre le cœur et l’esprit, pour y héberger la douleur pour ces
frères humains qui meurent à notre place, s’écroulant un à un,
qui sait où, dans une silencieuse bataille qu’il ont dû se
résoudre à combattre du jour au lendemain, sans transition, pour
avoir offert un seul baiser, pour avoir serré une seule main ou
alors pour avoir aidé, un jour, un autre être humain à se lever et
marcher.
Tout
cela ne jaillit pourtant pas, dit-on, de l’invention de quelques
esprits malades. Pendant que coulent physiquement autour de nous des
jours étranges, pourtant foudroyés par une inattendue beauté
printanière, l’ancien vacarme de la ville essaie de se faire
oublier ou bien s’approche timidement de notre fenêtre, sur la
pointe des pieds, pour ne pas déranger le silence éphémère
de notre prison large ou étroite.
Demeurer
en silence c’est finalement le moindre mal, un seuil invisible que
nous apprenons à ne pas franchir, pour sauver nous-mêmes ainsi que
les autres, évitant de les traîner dans le gouffre, rien que par un
seul geste d’amour.
Cependant
il reste debout, ineffaçable en chacun de nous, le désir de revivre
le plus tôt possible ce geste, avant d’arpenter un à un les lieux
où le pas des autres ne nous faisait pas peur, où leur voix nous
attirait par sa chaleur unique et sa prodigieuse essence vitale.
D’ailleurs,
nous ne pouvons pas nous empêcher de rêver, en dépit des bornes
physiques et mentales de notre enfermement. Par exemple — en
cachette, dans un cagibi de l’esprit que j’ai bâti tout seul
avec les armes patientes du silence —, je me vois confortablement
assis dans une voiture à pédale où des hommes très adroits ont
appliqué, à la place des roues, des skis de bois parfaitement
lisses et silencieux.
En
cette hypothèse, aussi hasardeuse qu’hantée de clairvoyance, le
moindre bruit serait préjudiciable au succès ainsi qu’à la
première timide démarche de mon entreprise farfelue.
Et
voilà que dans mon cagibi, sans faire de bruit, un vent gelé s’est
faufilé, tandis que le grand hublot bleu, lui aussi en silence,
demeure scandaleusement ouvert sur le vide.
De
là-haut, nous pourrions glisser, mon traîneau et moi, avec la
certitude de tomber sur un boulevard parfaitement blanc, lisse comme
s’il y avait une épaisse pellicule de neige et bien sûr
silencieux.
Si
le blanc est la synthèse de toutes les couleurs, le silence est la
grande couche où tous les bruits de la terre s’estompent... cela
revient à une intime évidence :
« Le
blanc est la couleur même du silence ! »
En
sortant par le grand hublot bleu de mon cagibi, je vais sans doute
découvrir qu’il n’y a aucune solution de continuité entre mon
silence intérieur, le silence de la ville et le silence du monde.
En
un éclair, une fois rattrapées les portes les plus éloignées de
Paris, je vais découvrir aussi qu’au-dehors d’elles on respire
le même silence.
Un
silence qui parle.
Un
silence qui retient le souffle.
Un
silence désespéré et indomptable à la fois.
Un
silence qui m’exhorte pourtant à être sage, à ne pas commettre
le sacrilège si longuement échafaudé de rendre visite un à un à
tous les endroits que je connais autour de moi, en m’approchant des
portes où d’autres personnes — connues, inconnues, peu importe —
savourent le même silence que moi... et frapper, même de façon
imperceptible, par un toc toc que n’importe quelle autorité
jugerait en dessous du seuil de silence autorisé.
Cela
déclencherait inévitablement un vacarme endiablé qui tout de suite
après se propagerait comme une maudite inexorable contagion.
Et
l’on perdrait toutes les vertus du silence.
Donc,
en attendant que tout le monde se réveille guéri, je renonce au
privilège de cette petite pièce luxuriante et décide, en me
taisant, de faire tout ce que je peux pour que cette immense,
invisible étendue de maisons et de rues, de terrains vagues et de
champs demeure paisiblement effondrée dans le silence.
Parce
que personne n’a jamais su aussi bien écrire que se taire. Parce
que celui qui se tait donne, par le silence, son accord à la cure du
silence. Parce que le silence est d’or.
«
Sinon, j’ai toujours su que tout ce qu’on peut "éviter"
— en faisant recours à notre esprit de conservation ainsi qu’à
la force de notre amour pour les autres frères humains — va rendre
sans doute moins "inexorable" toute vague destructrice et
meurtrière dont la science et l’intelligence des hommes généreux
est toujours en condition de connaître et maîtriser la portée. »
Giovanni
Merloni
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LA
CURA DEL SILENZIO
« Quand
Isabelle dort plus rien ne bouge »
Jacques
Brel
In
questi giorni che diventano mesi ci troviamo tutti a pensare, credo,
le stesse cose. O la stessa cosa, che forma una spessa e quasi
tangibile nuvoletta di silenzio dentro ognuno di noi.
Il
silenzio di tutte le cose che non si debbono dire, che secondo noi
non è bene dire, innanzitutto per non rompere il silenzio che è
fuori di noi con una voce stonata, con un accento sbagliato, con una
anche piccolissima gaffe.
Il
nostro silenzio, come quello di fuori, non è il risultato di un
vento devastatore ma, al contrario, la prova della nostra capacità
individuale e collettiva di resistere rispettosamente alla Paura...
che, a sua volta, sta forse imparando a esprimersi silenziosamente,
facendo attenzione a non fare rumore quando deve per forza uscire dal
proprio terribile silenzio o quando capisce che è venuta l'ora di
rientrarvi in fretta.
Il
silenzio si rivela così l'estrema risorsa a cui possono
attingere gli umani per poter sopportare il dolore provocato dal
silenzio di coloro che intorno a noi, chissà dove, spariscono per
sempre, andando ad aggiungersi alle cupe statistiche del silenzio.
Ognuno
di noi ha dunque bisogno di una provvista supplementare di silenzio,
ovvero di un luogo silenzioso e segreto, situato a metà strada tra
la mente e il cuore, dove ospitare il dolore per la scomparsa di
coloro che ci lasciano per morire al posto nostro, cadendo uno a uno,
chissà dove, in una silenziosa battaglia che si son trovati a dover
combattere dall'oggi al domani, senza transizione, per aver dato un
solo bacio, per aver stretto una sola mano o per aver aiutato, un
giorno, un altro essere umano ad alzarsi e camminare.
In
questi giorni strani che non scaturiscono, purtroppo, dall'invenzione
di qualche mente malata ma scorrono fisicamente intorno a noi con una
loro inattesa bellezza primaverile, l'antico rumore della città
cerca di farsi dimenticare o si affaccia timidamente, sulla punta dei
piedi, per non disturbare il precario silenzio della nostra piccola o
grande prigione.
Il
nostro stare in silenzio è dunque il male minore, una soglia
invisibile, che ci stiamo abituando a non varcare, per salvare noi
stessi e tutti gli altri esseri umani possibili e immaginabili che
noi stessi potremmo trascinare nel baratro, magari per un solo gesto
d'amore.
Ma
resta vivo, insopprimibile in ognuno di noi il desiderio di rivivere
al più presto quel gesto e di ripercorrere uno a uno i luoghi dove
il passo degli altri non ci faceva paura, dove le voci ci attiravano
con tutto il loro calore e le loro essenze vitali.
Non
possiamo impedirci di sognare, pur nei limiti fisici e mentali del
nostro "enfermement".. Per esempio, a me piace, in segreto,
in un cagibi della mente che mi sono da solo costruito con le
pazienti armi del silenzio, immaginarmi seduto su una antica carrozza
dove, al posto delle ruote, qualcuno che lo sa fare ha applicato una
slitta perfettamente levigata e silenziosa.
In
questa mia azzardata e forse antiquata ipotesi, ogni rumore potrebbe
pregiudicare l'esito o anche la sola messa in pratica della mia
stramba iniziativa.
Dunque
nel cagibi è entrato, in silenzio, un vento gelato e una porta si è
aperta silenziosamente sul vuoto.
Da
lì potremmo scivolare, io e la mia slitta silenziosa, certi di
trovare il boulevard perfettamente innevato e silenzioso. Il bianco è
la sintesi di tutti i colori come il silenzio è la grande coltre
dove sono assorbiti tutti i rumori della terra (direi perfino che «
il bianco è il colore del silenzio »).
Partendo,
scoprirei che non c'è nessuna soluzione di continuità tra il mio
silenzio interiore, il silenzio della città e il silenzio del
mondo.
In
un baleno raggiungerei le porte estreme di Parigi e scoprirei che
anche fuori di esse si respira lo stesso identico silenzio.
Ma
sarebbe per me un sacrilegio, ritrovare uno a uno tutti i luoghi che
conosco intorno a me, avvicinarmi alle porte di tutte le persone che
come me stanno bene o male assaporando il mio stesso silenzio e
bussare, anche impercettibilmente, con un toc toc che qualsiasi
autorità considererebbe al di sotto della soglia di silenzio
consentito. Provocherei un baccano che subito si propagherebbe come
un maledetto contagio.
E
si perderebbero tutte le virtù del silenzio. Dunque io rinuncio al
privilegio di questa stanzetta segreta come al più scandaloso dei
lussi e, tacendo, decido di fare la mia parte in questa immensa
invisibile distesa di case e strade sprofondate nel silenzio.
Perché
un bel tacer non fu mai scritto. Perché chi tace acconsente
fieramente e orgogliosamente alla cura del silenzio. Perché il
silenzio è d'oro.
Giovanni
Merloni
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Entrent
dans cette ronde du silence…
Giovanni
Merloni qui viens chez moi ;
ensuite,
je vais chez Hélène Verdier : Simultanées ;
Hélène
chez Noël Bernard : Talipo;
Noël
chez Franck : À l'envi ;
Franck et Céline Gouël chez Dominique Autrou : La distance au personnage ;
Dominique
chez Jacques : La vie de Joseph Frisch ;
enfin,
Jacques attrape la main de Giovanni Merloni : « Le portrait inconscient » ; etc.